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La confiance en l'esprit
Je vous livre un poème taoïste, très
beau, plein d'enseignements. Il a été traduit et interprété par Jos Slabbert.
La plupart des versets ont été repris ci
dessous pour que l'on puisse y reconnaître le sens réel, ainsi que
l'interprétation que l'on peut y donner.
Paternité littéraire du Poème sur la confiance en
l’esprit
Seng ts’an, le troisième Patriarche qui s’éteignit en 606
après Jésus-Christ, est reconnu historiquement comme étant auteur du Poème sur
la Confiance en l’esprit. Toutefois, les érudits contemporains doutent de ce
qu’il en soit le créateur.
Niu T’ou fa Jung, disciple de Tao Hsin, le quatrième
Patriarche, a écrit un poème intitulé Chanson de l’esprit. La similarité entre
les poèmes a amené les érudits à spéculer sur le fait que le Poème sur la
Confiance en l’esprit aurait finalement été écrit après l’ère du sixième
Patriarche, Hui Neng, comme une version améliorée, condensée de la Chanson de
l’esprit.
La question de la paternité du texte importe bien peu, vu
l’incroyable influence de ce poème sur la pensée chinoise et japonaise dans le
ch’an et le zen.
Je remercie Jos Slabbert,
qui permet de reproduire les extraits de ces traductions à des fins non
lucratives.
Si vous désirez lui écrire, voici son mail :
jos_slabbert@hotmail.com
L’auteur tient à remercier et à exprimer sa gratitude
envers toute personne qui aura observé en ce passage des échos de ce qui aurait
pu être écrit, dit ou pensé par lui, ou là où les traductions du Tao Te Ching
lui rappelleraient sa propre traduction.
Etant donné que
les cours officiels sont donnés dans les temples taoïstes, les explications et
enseignements sont identiques dans le monde. Vous trouverez également mes
propres conclusions des enseignements reçus au temple taoïste belge.
La Voie Suprême n’est pas
difficile
Si seulement vous ne
sélectionnez pas et ne choisissez pas.
Gardez-vous d’aimer et de
haïr,
Et vous comprendrez
clairement.
Écartez-vous d’un seul
cheveu,
Et vous voilà aussi éloigné
que ciel et terre.
Si vous voulez qu’apparaisse
la Voie,
Ne soyez ni pour ni contre.
Le pour et le contre
s’opposant –
Voilà la maladie de
l’esprit.
Sans réaliser le principe
mystérieux
Il est vain de pratiquer la
quiétude.
La Voie est aussi parfaite
qu’un grand espace,
Sans manque, sans excédent.
Tant d’emprise et de rejet
Vous empêchent de
l’atteindre.
Ne poursuivez pas une
existence conditionnée ;
Ne souffrez pas dans
l’acceptation du vide.
Au sein de l’unité, de
l’égalité,
La confusion s’efface
d’elle-même.
Cessez toute activité et
revenez au calme,
Et ce calme sera plus actif
encore.
Stagnant dans la dualité,
Comment reconnaîtrez-vous
l’unité ?
Si vous ne pénétrez pas
l’unité,
Tout endroit perdra sa
fonction.
Bannissez l’existence et
vous tombez dans l’existence ;
Poursuivez la vacuité et
vous y tournerez le dos.
La parole et la pensée
excessives
Vous gardent de l’harmonie
avec la Voie.
Sabrez dans la parole et la
pensée,
Et il sera nul endroit que
vous ne saurez pénétrer.
Revenez à la racine pour
atteindre le principe ;
Recherchez l’éveil pour le
perdre.
Un seul moment de retournement de
la lumière
Est plus grand que la vacuité d’avant.
La vacuité d’avant
est transformée ;
Ce n’était que le produit d’une perception bercée d’illusions.
Nul besoin de rechercher le vrai ;
Il suffit d’anéantir vos perceptions.
N’endurez pas les points de
vue dualistes,
Prenez garde à ne point les
rechercher.
Dès que se présentent le
bien, le mal,
L’esprit s’éparpille et se
perd.
Deux provient d’un,
Et pourtant il ne peut
conserver l’Un.
Lorsqu’un esprit ne prend
pas son envol,
Une myriade de dharmas
demeure sans effet.
Sans défaut, sans dharma,
Nul envol, nul esprit.
Aveugle au fin et au
vulgaire,
Comment saurait-il y avoir
de parti pris?
La Grande Voie est large,
Ni facile, ni difficile.
Avec des vues bornées ou des
doutes,
La précipitation vous
ralentira.
Vous y attachant, vous
perdrez le sens de la mesure ;
L’esprit s’engagera sur une
fausse route.
Lâchez prise et soyez
spontané,
Par-delà les allers, les
arrêts.
Accordez-vous à la nature,
unissez-vous à la Voie,
Vagabondez à loisir, sans
tracas.
Limité par les pensées, vous
vous égarez du réel ;
Et sombrer dans la stupeur
est tout aussi mauvais.
Il n’est point bon de
fatiguer l’esprit,
Pourquoi alterner entre
aversion et affection ?
Si vous désirez pénétrer
dans l’unique véhicule,
Ne soyez pas rebuté par le
monde des sens.
Sans aversion pour le monde
des sens,
Vous ne ferez qu’un avec le
véritable éveil.
Le sage n’a pas de
motivations ;
Seuls les fous se réduisent
eux-mêmes à l’esclavage.
Tel dharma n’est point
différent de tel autre.
L’esprit bercé d’illusions
s’accroche à tout ce qu’il désire.
User de l’esprit pour
cultiver l’esprit –
N’est-ce pas là une grave
erreur ?
L’esprit erroné engendre
tranquillité et confusion ;
En l’éveil, il n’est plus de
préférences ni d’antipathie.
La dualité de chaque chose
Découle de fausses
discriminations.
Un rêve, une illusion, une fleur dans le ciel
Mais pourquoi donc tenter de
les saisir ?
Le gain et la perte, le bien
et le mauvais –
Débarrassez-vous d’eux, tous
à la fois.
Si vos yeux ne se closent
pas dans le sommeil,
Tout rêve s’éteindra de
lui-même.
Si l’esprit ne discrimine
point,
Tout dharma est d’une même
identicité.
L’essence d’une seule
identicité est profonde ;
Immobile, le conditionné est
oublié.
Considérez tous les dharmas
comme égaux,
Et vous retournerez aux
choses telles qu’elles sont.
Dès que le sujet disparaît,
Il ne saurait y avoir ni
mesure ni comparaison.
Cessez toute activité et il
n’y a pas d’activité ;
Quand l’activité cesse, il
n’y a pas de repos.
Puisque deux ne peut être
établi,
Comment peut-il y avoir un ?
Dans l’Ultime,
Règles et normes n’existent
point.
Développez un esprit
d’équanimité,
Et toute action se
dissipera.
Les doutes anxieux
s’effacent en totalité.
La bonne foi est faite de
droiture.
Rien ne traîne derrière,
On ne peut se souvenir de
rien.
Vif et vide, fonctionnant de
manière naturelle,
L’esprit ne se donne pas de
mal.
Ce n’est pas l’endroit pour
penser,
Réfractaire qu’il est aux
pensées et aux émotions.
Dans le Royaume du Dharma
réside la véritable identicité,
Et il n’y est ni autre, ni
moi.
S’accorder à elle est d’une
importance vitale ;
Se référer au « non-deux »
suffit.
Dans le non-deux, toute
chose est en unité ;
Rien ne saurait être exclus.
Les sages, toujours occupant
les dix directions,
Pénètrent tous ce principe.
Ce principe ni connaît ni
hâte ni lenteur –
Une pensée pour dix mille
ans.
Demeurant à nulle part et
cependant partout,
Les dix directions se
tiennent droit devant vous.
Le petit est pareil au grand
Dans le royaume sans
l’illusions.
Le grand est pareil au petit
;
Nulle frontière n’est
visible.
L’existence est précisément
la vacuité ;
La vacuité est précisément
l’existence.
S’il n’en était pas ainsi,
Il ne vaudrait rien de la
préserver.
Un est tout ;
Tout est un.
Si vous ne pouvez être
ainsi,
Pourquoi vous inquiétez-vous
de ne pas terminer ?
La confiance et l’esprit ne
sont pas deux,
La non-dualité est la
confiance en l’esprit.
La voie des mots est
avortée,
Il n’est plus de passé,
d’avenir, ni de présent.
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