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Ni bien, Ni mal
N’endurez pas
les points de vue dualistes,
Prenez garde à ne pas les rechercher.
Dès que se présente
le bien, le mal,
L’esprit s’éparpille et se perd. |
L’anti-dualisme n’est-il pas poussé un peu trop loin ici?
Non mais, ignorer le bien et le mal! Ce texte n’est-il pas en train de réfuter
les bases mêmes sur lesquelles la société est censée fonctionner?
Il est très facile de mal
comprendre ce passage. Il parle de notre habileté à agir de manière cohérente et
compatissante. Ce qu’il dit en réalité, c’est que la
compassion va au-delà de la simple notion du bien et du mal. On peut
s’opposer au vol tout en éprouvant de la compassion pour les voleurs. Si vous
laissez vos valeurs morales vous dicter les récepteurs de votre compassion,
hypocrite, vous tomberez à pieds joints dans la forme la plus destructive de
pensée dualiste. Personne n’est innocent. Cela signifie-t-il pour autant que nul
ne vaut la compassion? Si la dignité se rattachait à l’innocence, personne ne
mériterait la dignité. Et pourtant, nous le savons bien. La dignité est le droit
inaliénable de tout être humain.
La dignité ne devrait jamais se rattacher à quelque
condition. Un terrible exemple illustrant ceci est la manière dont nous avons
tendance à faire de la dignité un produit de succès, d’intelligence, de richesse
matérielle ou de «beauté». On s’étonnera peu de ce que les faibles soient
souvent traités comme des chiens.
Tant que votre souci pour votre prochain ne sera pas
inconditionnel, vos actes se tiendront à mille lieues de la compassion, et votre
esprit «s’éparpillera et se perdra».
Ce passage recèle une autre dimension. En plusieurs façons,
la moralité s’applique seulement lorsque les gens manquent à la compassion. À
l’instar de la loi, la moralité est négative ; elle encourage davantage la
prohibition que l’inspiration. La loi s’avère nécessaire lorsque les gens ont
cessé de faire preuve de décence les uns envers les autres. Il est essentiel de
recourir à la moralité lorsque les gens n’éprouvent plus d’égards envers autrui.
La véritable évolution, par contre, se présente lorsque les gens embrassent la
compassion.
La moralité nous informe de ce que nous ne devrions pas
faire. Négative, elle inhibe davantage qu’elle n’encourage les actes
constructifs. Elle éveille ce qu’il y a de pire en nous, particulièrement en les
jeunes, qui éprouvent un plaisir évident à enfreindre les règles.
La compassion n’est pas normative.
C’est une force anarchique sourdant de l’intérieur. À la vue d’en
enfant en proie à la noyade, vous ne chercheriez pas dans un bouquin de règles
la conduite la plus appropriée en semblable circonstance. Vous ne consulteriez
pas le prêtre de votre paroisse pour déterminer si vos agissements seraient en
accord avec les préceptes de votre église. Ne serait-ce pas ridicule? Même s’il
y avait une enseigne près de la piscine disant: Les adultes ne sont pas admis
dans la piscine, ne plongeriez-vous pas?
La compassion est par-delà les règles. Si vos principes
moraux vous interdisaient de serrer les étrangers contre vous, ne prendriez-vous
pas tout de même cet enfant étranger entre vos bras pour le sauver?
La compassion commence là où prend fin la moralité.
L’individu qui doit s’appuyer sur les principes moraux et
sur la loi pour distinguer le bien du mal a effectivement l’esprit «éparpillé
et perdu».
Derek Lin.
Dans la société de consommation actuelle
si on est trop gros, si on est vieux, si on est trop mince ... c'est mal. C'est
pareil avec le vol. Le vol c'est mal. Mais si on vole de la nourriture
simplement pour se nourrir? Ce n'est pas bien, d'accord. Mais la compassion
devrait nous faire comprendre que parfois certaines personnes ne peuvent faire
autrement.
Je connais bien
quelqu'un à qui est arrivé l'histoire que je vais vous raconter. Cette personne
était à l'époque gardien dans une grande surface. Il devait épingler les
voleurs. Un jour il voyait une personne d'un âge certain, voler tout un service
de table. Il a appréhendé le voleur. Le voleur n'avait pas sa carte d'identité
sur lui pour faire la déclaration de vol. En Belgique, une personne civile ne
peut accompagner un voleur ni à son domicile, ni à son lieu de travail. Il
appela donc la police. En attendant, le voleur racontait son histoire: il avait
volé le service de table parce qu'il n'avait pas d'argent et sa soeur se
mariait. Il aimait beaucoup sa soeur, et voulait le lui montrer. Surtout le jour
de son mariage, un jour si important pour elle.
Entre-temps, les
policiers Rambo étaient arrivés. Sans vouloir écouter un mot d'explication, ils
menottèrent le voleur. Il l'emmenèrent menotté à son lieu de travail pour aller
chercher sa pièce d'identité. Comme le voleur travaillait dans une société
publique belge, il a été licencié immédiatement pour faute grave. Ceci a eu pour
conséquence qu'il n'a pas droit au chômage. Trouver du travail après une faute
grave est également très difficile, voire impossible. Le voleur devait vivre
sans ressources financières.
La personne que je
connais se sentait très mal. Il ne voulait pas que ce soit passé de cette
manière. Le voleur était gentil. Il avait simplement pas assez d'argent pour
payer un "beau" cadeau à sa soeur. Quel gâchis.
Un mois passa, et
la personne que je connais revoit ... le même voleur. Il volait cette fois à
nouveau un service de table, et ... de la nourriture. Oh non, pas du caviar...
des produits essentiels à la survie de chacun. Le voleur avait remarqué que ma
connaissance l'observait. Le voleur le regarda dans les yeux en espérant un peu
de pitié cette fois. Non seulement, il l'a laissé partir avec son butin, mais il
le suivait de manière régulière pour qu'un autre gardien ne le poursuive pas et
que l'histoire ne se répète pas. Il a même escorté le voleur jusqu'à la sortie
pour s'assurer de sa sécurité.
La personne que je
connais se sentait enfin bien.
Cette histoire démontre tout à fait que
l'on peut agir avec son coeur par rapport à des évènements courants. Ma
connaissance a de par son deuxième acte envers le voleur, retrouvé son équilibre
moral. Il s'est senti en osmose pendant quelque temps! Bravo à lui.
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